Il suffit d’écouter les mots. Terres inconnues, sommets, océans, peuples du bout du monde ou simplement paysages ne sont-ils pas plus nobles qu’états ou patries ? Je hais les frontières, elles sont la plus grandes des duperies. Le pouvoir et l’argent apportent la guerre, mais celle-ci n’est rendue possible que par les patriotes de tous bords, ceux que Georges Brassens, mon ami en pensée, nommait les cons qui sont nés quelques part. Les humains sont plus intéressants que leurs passeports et les terres infiniment plus belles que les drapeaux.
A la liberté, en espérant que l'on puisse encore rêver dans les décennies à venir.
Christian Bros
Mes histoires cubaines se déroulent durant les années 2000, 2010, une époque où, au-delà des considérations politiques, il régnait à La Havane un air de renouveau. C’est une période digne d’être prise en considération, même si depuis, tout s’est effondré, peut-être davantage que durant la grande crise de la décennie 1990. La simplicité sympathique des habitants faisait encore en ces années la beauté du pays, avant que le reggaeton supplante la salsa, que la vulgarité évince la sensualité et que la bêtise efface la culture. Tout n’est pas perdu. À La Havane, comme partout dans le monde, beaucoup aiment encore l’intelligence et la vie. C’est grâce à eux que j’écris. Si le lecteur s’attend à trouver dans mes fantaisies la dénonciation d’une tyrannie ou, au contraire, un éloge de la Révolution pour sa résistance, il n’y trouvera pas son compte. Peut-être ai-je tort ? Peut-être est-ce ce qui se vend le mieux ? Maints auteurs le font mieux que moi.
Il y trouvera, en revanche, nombre de messages qu’il interprétera à sa guise. Qu’il se rassure, je crois qu’il n’y a rien de plus ennuyeux qu’un écrivain sans convictions. Mais bienvenue à lui s’il n’aime pas les vérités toutes faites. S’il se montre curieux de ce qui fut le quotidien des humains sur la terre du soleil, des cigares, des cyclones, des touristes rois, des pénuries, de l’humour et de la débrouille, j’espère pouvoir l’amuser. Enfin, si les empêcheurs de tourner en rond, les anticonformistes ou les obnubilés de liberté l’interpellent, il se pourrait que nous ayons des points communs.